Etat des eaux souterraines sur le bassin Seine-Normandie : évaluation de la qualité chimique
Etude commandée par
Agence de l'eau Seine-Normandie
Réalisée par
Agence de l'eau Seine-Normandie (C.RITALY)
La base nationale ADES (Accès aux Données sur les Eaux Souterraines) hébergée au BRGM contientADES les données de surveillance des niveaux d'eau (piézométrie) et de la qualité des eaux versées par plusieurs "producteurs". Sur le bassin Seine-Normandie, ces dernières années (2010-2013) les résultats téléchargeables sont essentiellement fournis par deux "producteurs" des données physico-chimiques : l'Agence de l'eau Seine-Normandie (> 64 % d'enregistrements) et le Ministère de la Santé (~35 %).
La note de cadrage interministérielle de mars 2014 préconise d'identifier les points de prélèvement sensibles aux pollutions diffuses (nitrates et pesticides) et les captages prioritaires pour la lutte contre les pollutions d'origine agricole dans le SDAGE (Schéma Directeur de l'Aménagement et de Gestion des Eaux). La qualité de chaque point d'eau vis-à-vis de la pollution nitrique est appréciée grâce au calcul des percentiles 90 des concentrations en nitrates. Puis le percentile 90 (ou à défaut valeur maximale) est comparé au seuil d'action à 40 mg/L. Concernant les phytosanitaires, les moyennes des moyennes (MMA) pluriannuelles par composé individuel (molécule- mère ou ses métabolites) ou pour la somme des pesticides quantifiés sont comparées au seuil de risque, fixé à 75 % de la norme.
Sur la période récente (2008-2013), près de 33 % des points suivis sont classés en "points sensibles" vis-à-vis de la contamination par les nitrates et/ou pesticides. Une distinction a aussi été effectuée entre les pesticides actuellement interdits et ceux autorisés (encore peu suivis) : trois fois plus de points sont déclassés par les pesticides interdits. Les triazines, et notamment l'atrazine et ses produits de dégradation, sont responsables du déclassement de près de 80 % des points dégradés ! Ces molécules restent aussi les plus quantifiées, malgré leur interdiction depuis 2003. La persistance de certaines molécules dans le milieu souterrain et dans les sols ainsi pose de véritables problèmes : aucune action efficace ne semble être possible pour dépolluer les eaux dans leur milieu naturel. Les premiers pesticides autorisés déclassants sont les herbicides à spectre large : la bentazone et le glyphosate qui affectent à eux deux près de 2 % des stations étudiées. Outre leur usage dans l'agriculture, les phytosanitaires à base de glyphosate sont largement utilisés pour désherber le long des voies ferrés et les axes routiers, par les jardiniers-amateurs et par les services communaux.
Plus de 800 différents paramètres recherchés dans les eaux souterraines sont bancarisés par l'Agence de l'eau. Ils appartiennent à des familles chimiques variées et représentent différents usages (souvent multiples) : pesticides (familles chimiques très diverses), polluants industriels organiques (ex. plastifiants, détergents, solvants), hydrocarbures, métaux, etc. Les principaux polluants trouvés dans les eaux souterraines sont de loin les pesticides, suivis par les nitrates, puis les composés organiques halogénés volatils (solvants) et les métaux.
Les tendances d'évolution des concentrations de nitrates et pesticides ont été calculées sur 3 périodes : 1997-2013 (début de la surveillance régulière), 2004-2013 (période de 10 ans) et 2007-2013 (mise en place des réseaux DCE par l'agence), via l'outil HYPE développé par le BRGM. Ainsi, sur la période la plus longue (1997-2013), seuls 13 % des points possèdent des chroniques en nitrates permettant le calcul statistique, encore moins en pesticides (atrazines)… La tendance la plus récente a été retenue pour analyse des évolutions : ainsi, environ 50 % des points subissent une tendance significative à la hausse de leurs concentrations en nitrates, ~35 % stagnent ou ne montrent pas de tendance significative et 14,5 % entament la baisse. L'agrégation des résultats à l'échelle des masses d'eau, a permis de définir 12 masses d'eau souterraine présentant une tendance à la hausse significative et durable de leur concentration en nitrates. Les actions renforcées sont nécessaires pour espérer renverser ces tendances.
Une analyse en composantes principales (ACP) a été réalisée afin de rechercher les facteurs explicatifs (rotation des cultures, lithologie, épaisseur de la zone non saturée, comportement hydrodynamique…) permettant d'interpréter les concentrations en nitrates et pesticides observées au point. Ces dernières, et notamment les nitrates et triazines, paraissent corrélées avec des typologies de cultures définies par l'INRA, des propriétés physiques de l'aquifère et leur comportement hydrodynamique.
Les suites de cette étude permettront d'effectuer l'agrégation des résultats obtenus au point pour tous les polluants caractérisant l'état des eaux souterraines à l'échelle de la masse d'eau. Il est possible aussi d'exploiter les résultats d'une campagne dite "photographique" en cours (2014) pour analyser la présence d'autres polluants jamais recherchés auparavant sur le bassin.