Problématique du thallium dans les EDCH : procédé d’élimination et gestion à l’échelle du réseau de distribution
Le thallium est un métal mou, malléable et gris. Ses formes ioniques sont l’ion thalleux (TI+), forme dominante dans l’environnement, et l’ion thallique (TI3+). Ce métal est faiblement présent dans la croûte terrestre, de l’ordre de 0,003 %. Il se retrouve dans les roches potassiques, telles que les feldspaths et micas, et dans les sols contenant beaucoup de manganèse et caractérisés par des conditions oxydantes. L’exploitation de mines où les roches sont riches en thallium, telle que la pyrite, peuvent contaminer l’environnement via les effluents de drainage minier.
Les sels de thallium ont de nombreuses applications pour l’industrie (lentilles optiques, compteurs à radioactivité, équipements électroniques de pointe, teintures, feux d’artifice, anti-fongiques, anti-bactériens...).
L’ingestion de fortes doses de thallium peut entraîner des vomissements et diarrhées, avoir des effets sur le système nerveux et sur la majorité des organes vitaux. Il a déjà causé la mort. En revanche, peu de données sont disponibles sur une exposition chroniques des humains à faible dose.
Bien que les concentrations en thallium ne fassent l'objet d'aucune réglementation en France et en Europe, et que l’OMS ne mentionne pas de valeur de référence, il existe une valeur guide de 0,5 µg/L fixé par l'USEPA et une valeur maximale de 2 µg/L.
Fin 2011, de fortes concentrations en thallium (55 µg/L) ont été détectées par l'ARS du Calvados sur un forage et son réseau de distribution d’eau potable, suite à un dysfonctionnement hydraulique du pompage. Une campagne de mesures réalisée aux alentours a permis d’identifier sept ressources touchées par le thallium (entre 0,1 et 4,3 µg/L). L’étude réalisée par SAFEGE/BRGM a conclu à une origine naturelle du thallium dans ces eaux. Des mesures approfondies ont montrées que les concentrations en thallium sur le réseau de distribution étaient parfois supérieures aux valeurs maximales mesurées sur la ressource, signifiant ainsi que le réseau pouvait capter et relarguer du thallium. En avril 2012, la DGS saisi l’ANSES pour une évaluation des risques liés à la présence du thallium dans les eaux destinées à la consommation humaine.
Les procédés de traitement référencés dans la littérature pour éliminer le thallium sont peu nombreux et surtout utilisés dans le domaine de l'industrie minière. SAUR a donc développé à partir de 2013-2014 un nouveau procédé de traitement qui met en œuvre un matériau spécifique à base d'oxy-hydroxyde de fer (Bayoxide), autorisé pour l'alimentation en eau potable. Ce nouveau procédé, associé à une préoxydation par le chlore, a montré son efficacité et a fait l'objet d'un dépôt de brevet en novembre 2014.
L'objectif de cette étude est d'optimiser le traitement du thallium. D'autres matériaux, déjà utilisés à des fins différentes pour la production d’eau potable, ont donc été testés (efficacité, lavage, régénération, traitement des boues) et comparés au Bayoxide :
- oxyde de manganèse (mangagran) principalement utilisé pour éliminer le manganèse,
- alumine blanche (oxyde d’aluminium) utilisée pour éliminer le fluor,
- alumine activée (oxyde d’aluminium enrichie en nanoparticules de fer) pour éliminer l’arsenic.
L’étude prévoit aussi d’évaluer l’impact des conditions d’exploitation sur la présence du thallium dans le réseau de distribution. Les essais sont réalisés en laboratoire et sur pilote, sur une eau souterraine qui ne subit qu’une désinfection au chlore et dont la concentration en thallium est de 3 µg/L.
Élimination en production
Les résultats montrent que tous les matériaux testés peuvent éliminer le thallium s’ils sont mis en oeuvre sous condition oxydante, l’élément clé étant essentiellement la présence de résiduel de chlore dans l’eau. Néanmoins, ces différents matériaux ne nécessitent pas les mêmes doses de chlore pour être efficaces. Par exemple, les matériaux à base d’alumine présentent une sensibilité plus importante donc une moins bonne élimination du thallium en cas de défauts de chlore. Quoiqu’il en soit, le problème du traitement du thallium est résolu et il est désormais possible d’éviter d’en envoyer dans le réseau.
Au niveau des conditions d’exploitation, les recommandations suivantes peuvent être émises :
- l’oxyde de manganèse relargue du manganèse lors de sa mise en service initiale. Ce problème peut facilement être résolu à l’échelle industrielle en évacuant ou recirculant les 1res eaux de process,
- la saturation en thallium des couches supérieures du média filtrant est plus rapide que pour les couches inférieures. Il est donc possible d’envisager des renouvellements partiels de matériau à des fins économiques,
- Si l’eau brute contient des MES, il sera préférable de les éliminer avant d’admettre l’eau sur l’unité de traitement du thallium ce qui limitera la fréquence de lavage,
- le relargage de thallium sous forme dissoute pendant le lavage du média filtrant peut être évité en utilisant du chlore dans l’eau de lavage. Le thallium alors présent sous forme particulaire dans cette eau de lavage peut être éliminé (avec les particules du fer, aluminium ou manganèse selon le cas) par un procédé simple de filtration telles que les cartouches filtrantes préalablement conditionnées par un trempage à l’eau chlorée sur 24 h. Par contre, la toile de filtration géotextile également testée, sans adjonction de réactif, s’est révélée inefficace.
Élimination dans le réseau
En cas d’absence de procédé d’élimination du thallium en amont de la distribution et si la quantité d’oxydant est suffisante dans le réseau, ce composé se fixe sur les parois de la canalisation et sur les particules de fer lorsqu’elles sont présentes dans l’eau. Il y a donc risque de relargage important sous forme dissoute en cas de défaut de chlore, ou sous forme particulaire en cas de phénomène hydraulique particulier (purge, casse...). Il faut alors assurer une bonne gestion du réseau.