Remplacer la gestion linéaire de type « je produis, je jette » par une gestion circulaire avec par exemple la valorisation d’une ressource très utilisée à Paris au XIXe siècle: l’urine humaine. C’est tout l’enjeu de la collecte séparative des urines, alternative au tout-à-l’égout. Chercheur et coordinateur du programme de recherche et action OCAPI (Organisation des cycles Carbone, Azote et Phosphore dans les territoires) au sein du LEESU/École des Ponts ParisTech, Fabien Esculier a d’ailleurs vu ses travaux en la matière récompensés par la médaille d’argent de l’Académie d’Agriculture de France en 2018. L’agence de l’eau finance le programme de recherche-développement OCAPI.
Pour une gestion durable du système alimentation/excrétion
Le système actuel de gestion urbaine des excrétions humaines n’est pas neutre pour les cours d’eau ni pour les émissions de gaz à effet de serre : il est peu résilient tout en contribuant au réchauffement climatique. « L’urine est un liquide très concentré en nutriments variés, précise Fabien Esculier. Elle est une ressource et un engrais naturel dont on aurait tort de se priver. Aujourd’hui, l’engrais azoté de l’urine est principalement détruit en station d’épuration et beaucoup de nutriments sont encore rejetés en rivière. Modifier les modes de productions agricoles et les régimes alimentaires et séparer l’urine à la source pourraient permettre une gestion plus soutenable du système alimentation/excrétion. ». La stratégie d’adaptation du bassin Seine-Normandie au changement climatique préconise la collecte séparative des urines.
Des toilettes avec séparation de l’urine
Si la prise de conscience relative à l’intérêt de l’urine a réémergé depuis les années 90 en Suède puis en Europe scandinave et germanique, la France a réinvesti ce champ des possibles depuis environ 10 ans et elle est même devenue la locomotive mondiale sur le sujet, suscitant l’intérêt de plusieurs pays. Les recherches et les réalisations se multiplient, notamment au sein de l’agglomération parisienne : sur le plateau de Saclay, à Paris (quartier Saint-Vincent-de-Paul, Agence Spatiale Européenne, Académie du climat…), à Saint-Ouen-sur-Seine, à Rosny-Sous-Bois… « L’objectif est de proposer des urinoirs secs et des toilettes à séparation d’urine dans les nouvelles constructions, avec par exemple un système de récupération au pied des immeubles, explique Fabien Esculier. Sur l’existant, les établissements recevant du public seraient une cible à privilégier. Des systèmes de traitement intégrés à la toilette sont une voie intéressante en cours de développement. » De nombreux projets mettent aussi en place une gestion séparée, sans chasse d’eau, des matières fécales.
L’enjeu en termes de sobriété sur la ressource en eau est de taille : les chasses d’eau du bassin Seine-Normandie représentent le même volume que l’ensemble de l’irrigation agricole du bassin.