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bulles d'eau

Évolution du mode de représentation des usagers domestiques au comité de bassin Seine-Normandie (1967-2012)

Autres phases

pas d'autre phase

Etude commandée par

Agence de l'eau Seine-Normandie

Réalisée par

Agence de l'eau Seine-Normandie (P.LAIGNEAU)

Contact Agence

S.FEUILLETTE

Cette étude compare les systèmes français et brésilien de gestion de l'eau (redevances eau, contre-valeur, coefficient de collecte). Les comptes rendus des réunions du Comité de Bassin (CB) et du Conseil d'Administration (CA) de l'Agence de l’eau Seine-Normandie (AESN) depuis 1967 sont analysés dans le détail. La représentation des différentes catégories d'usagers et leurs prises de position dans les instances, avec l'évolution des redevances payées et des aides reçues par les grandes familles d'acteurs représentées au CB, sont ainsi mis en parallèle.

A la création du CB en 1967, les usagers domestiques se confondent avec les contribuables, et les collectivités sont à la fois redevables directes et bénéficiaires des aides. La priorité absolue est la dépollution des eaux usées. Le 3ème programme d'interventions (PI) de l'AESN (1977-1981) assied ses priorités sur les milieux (1ers objectifs de qualité sur les rivières du bassin) et se fixe comme but d'épurer 80 % de la pollution produite en 1985. Il faut donc, pour se doter des moyens nécessaires, augmenter les redevances. Avec la création de la contre-valeur en 1975, les primes pour épuration et les aides versées aux collectivités sont découplées des redevances, payées directement par les consommateurs d'eau. L'intérêt des collectivités (recevoir plus d'aides) n'est plus confondu avec celui de l'usager redevable consommateur payeur. Les 1ers débats contradictoires avec les représentants des consommateurs apparaissent dans les années 1980, pour déplorer que le coefficient de collecte ne s'applique pas aux industriels et que le financement des mesures agricoles provient en grande partie de la facture d'eau. Dans l'ensemble, ce sont les distributeurs, plus que les collectivités, qui font écho aux revendications des consommateurs.

A la création du CB, les représentants de l'Etat sont minoritaires. Dans les années 70, les usagers sont représentés par 1 agriculteur, 1 distributeur d'eau, 1 mandataire d'EDF et 2 industriels. Les associations de protection de la nature font leur entrée dans les années 80 avec 2 élus sur 78 membres. Jusqu'à son 8e mandat (2008-2013), le CB ne cesse de s'élargir pour compter aujourd'hui 185 membres : collectivités (40 %), Etat (20 %), usagers (40 %).

Dans les années 1990, les arbitrages du CB permettent d'accroître le niveau des aides sans augmenter les taux des redevances, en jouant sur le montant du coefficient de collecte. Les élus ne s'intéressent qu'au montant global du prix de l'eau qui doit rester acceptable et les représentants des consommateurs ne participent pas aux discussions. Lors des débats sur la loi sur l'eau de 1992 qui renforce le rôle des CB en leur confiant l'élaboration des SDAGE, les discussions portent sur le désengagement de l'Etat et sur les transferts de financement des contribuables vers les consommateurs. Fin des années 90, les agences essuient les 1ères critiques sur la part excessive des redevances pesant sur les consommateurs alors même qu'ils ne sont pas assez représentés dans les instances. Au sein du CB, dans un contexte de hausse du prix de l'eau, les interventions se multiplient pour une modération des redevances “pollution domestique”, portées par les élus et distributeurs plus que par les représentants des consommateurs.

Au début des années 2000, le coefficient de collecte est baissé afin de rééquilibrer les contributions entre les différentes catégories d'usagers, entraînant une baisse de 8 % du produit des redevances. La demande d'équité entre les usagers, portée notamment par les représentants des consommateurs, vise surtout le secteur agricole, qui reçoit alors beaucoup plus qu'il ne paye.

La nouvelle LEMA de 2006 recompose le CB, le dote du pouvoir de voter les PI des agences, créée de nouvelles redevances déconnectées de la facture d'eau et plafonne les redevances. Le principe pollueur-payeur se double du principe de “prévention et de réparation des dommages portés à l'environnement" et de nouvelles redevances sont définies. Les associations de protection de la nature défendent les ambitions de la politique de l'eau, s'écartant de la position de certains élus hostiles face à un accroissement de l'effort demandé. Alors que le 10e PI de l'Agence se redéploye sur le grand cycle de l'eau, le CB cherche à rééquilibrer les redevances au bénéfice des usagers domestiques et pour la 1ère fois émettra un avis défavorable sur le projet de PI.

Au cours des 10 PI étudiés, les redevances payées par les usagers domestiques ont été massivement reversées aux collectivités sous forme de subventions. Sur la période 1968-2012, le montant total des aides attribuées aux industriels est du même ordre de grandeur que le montant total des redevances payées par ces mêmes industriels. Les agriculteurs au contraire ont été très largement bénéficiaires du système. Au sein du CB, les usagers non économiques sont en minorité et les consommateurs apparaissent sous-représentés par rapport à leur poids financier. Les représentants des collectivités sont soumis à un double intérêt contradictoire (maîtres d'ouvrage bénéficiaires des subventions et élus répondant du prix de l'eau) qui s'expriment plus souvent par une demande d'augmentation des aides que par la défense d'une équité entre redevables. L'intérêt des consommateurs est plus souvent relayé par les distributeurs d'eau défenseurs de leurs usagers. Les discussions ont de plus en plus lieu au sein des commissions et non en séance plénière. L'apport technique important des services de l'Agence créé une difficulté de plus pour les collectivités et représentants des associations.

Les missions des agences et de leur CB se sont élargies au grand cycle de l'eau et à l’aménagement du territoire. La répartition des membres du CB au sein des différents collèges et entre les différents acteurs ne reflète plus la proportion des aides et des redevances. Les montants prélevés via les factures d'eau n'ont plus de lien direct avec les quantités de pollution émises. La composition du CB, pensée en termes d'usages, pourrait-elle évoluer vers une organisation s'appuyant sur les territoires ? Peut-être faut-il revoir le fonctionnement du CB en le dotant d'une légitimité participative plus que représentative ? La proportion des catégories d'usagers doit-elle rester la même quel que soit le thème débattu ? L'étude émet des propositions concrètes (rendre les instances plus transparentes, impliquer plus le grand public).